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L’éducation au changement climatique peut-elle réellement transformer les comportements face aux défis environnementaux ? Deux recherches récentes financées par l’AFD explorent cette question essentielle afin d’identifier les pratiques les plus efficaces et de mieux comprendre les freins culturels et cognitifs qui influencent l’adoption de comportements durables.

Faire évoluer les comportements des jeunes générations sera crucial pour atténuer le dérèglement du climat. Mais le chemin est encore long. Alors que, selon l’agence de l’Onu pour l’enfance (Unicef), près de 250 millions d’élèves ont vu leur scolarité perturbée par des évènements climatiques extrêmes en 2024 (vagues de chaleur, cyclones, tempêtes, inondations ou sécheresses), la moitié des programmes scolaires ne comportent toujours aucune référence au changement climatique.

Pour pallier ce manque et aider les élèves à comprendre les conséquences de la crise climatique et à y faire face, des professeurs et des chercheurs du monde entier organisent des sessions d’éducation au changement climatique. L’objectif est de leur transmettre les connaissances, les compétences, les valeurs et les attitudes nécessaires pour devenir des acteurs du changement.

De nombreuses méthodes sont expérimentées pour faire passer les messages : certaines s’appuient sur le contact intergénérationnel, les arts visuels ou le jeu, d’autres se concentrent sur des sujets particuliers comme les fausses informations qui circulent parfois plus loin que les bonnes. Pourtant, malgré un nombre croissant d’interventions et d’études en matière d’éducation au changement climatique, les effets de ce type d’actions restaient peu connus.

Deux projets pour mesurer l’efficacité des interventions

En 2023, l’Agence française de développement (AFD) a pris l’initiative de financer des études visant à mesurer l’efficacité des interventions d’éducation au changement climatique. « Il nous semblait intéressant et important de faire un état des lieux des connaissances existantes à travers des revues systématiques de littérature. Nous avons donc lancé un appel à proposition de recherche et nous avons retenu deux projets avec des approches complémentaires », explique Linda Zanfini, chargée de recherches à l’AFD, qui a coordonné ces deux projets et dont les conclusions étaient présentées lors d’un webinaire en avril 2025.

Le premier projet, mené par une équipe de l’université de Rosario, en Colombie, a analysé 146 articles scientifiques portant sur près de 30 000 élèves âgés de 5 à 19 ans, évaluant l’impact de l’éducation au changement climatique sur leurs connaissances, attitudes et comportements. Le deuxième, conduit par le Groupe d’analyse et de théorie économique Lyon-Saint-Étienne et l’université pontificale Javeriana, aussi située en Colombie, a examiné 19 études incluant des enfants à partir de 3 ans jusqu’aux jeunes adultes de 24 ans, analysant l’impact de ces interventions éducatives sur les comportements et les normes sociales.

Les résultats sont sans appel. « Oui, l’éducation au changement climatique a des impacts positifs sur les connaissances, les émotions, la prise de conscience, les habitudes et le passage à l’action des élèves, la plupart des études scientifiques le montrent », indique Benjamin Quesada, professeur associé et directeur du département des sciences et systèmes de la Terre à l’université de Rosario. « Des effets concrets ont été observés, notamment sur une meilleure gestion des déchets, une réduction de la consommation d’énergie et un plus grand respect de la nature », confirme Lisa Salvetti, doctorante au Centre d’économie de l’environnement de Montpellier.

Faire référence au quotidien est efficace

Les exemples inspirés du quotidien des élèves sont efficaces pour susciter leur attention et les inciter à agir. Même chose pour les sorties scolaires en pleine nature, qui augmentent leur propension à adopter des comportements respectueux du climat et de la biodiversité. La compétition dans les activités proposées ou les messages trop anxiogènes ont quant à eux tendance à réduire les effets positifs.

« Les élèves ont besoin de se rattacher à du concret. Ils apprécient lorsque des personnes touchées par le changement climatique viennent partager leur expérience, souligne Simon Klein, médiateur scientifique à l’Office for Climate Education. Les valeurs portées par les enseignants, au-delà même de la qualité des ressources et des intervenants, jouent également un rôle prépondérant : leur engagement diminue l’éco-anxiété des élèves et facilite le passage à l’action. C’est pourquoi nous pensons qu’il est essentiel de former le plus d’enseignants possible à l’éducation au changement climatique. »

Débuter dès la petite enfance

Quelle tranche d’âge faut-il cibler ? « On peut le faire dès le plus jeune âge !, estime Benjamin Quesada. Sans forcément parler de changement climatique, il est possible d’introduire les notions d’environnement, de biodiversité, de pollution à travers des activités ludiques, des histoires, dans l’objectif de tisser un lien affectif avec la nature. Celui-ci pourra être approfondi à un âge plus avancé en évoquant les causes et les impacts du dérèglement climatique. »

Les chercheurs ayant participé à ces deux études en soulignent néanmoins les limites. « La plupart des interventions étudiées ont eu lieu dans des contextes favorisés et urbains, avec une absence de groupe de contrôle. On peut donc difficilement conclure sur ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas dans l’absolu, tempère Lisa Salvetti. Peu de chercheurs se sont intéressés aux effets sur les changements de comportements, qui plus est sur le long terme », relève pour sa part Benjamin Quesada. La recherche sur l’éducation au changement climatique a donc encore de beaux jours devant elle.