Une quarantaine de médias, en majorité des plateformes en ligne émergentes, se sont ralliés au projet Qarib (« proche » en arabe), principalement à travers un soutien dédié à la production de contenus. Ensemble, ils ont publié plus de 4 000 productions dans le cadre du projet, qui ont généré plus de 40 millions de vues. Ce chiffre ne cesse d’augmenter. Ces médias ont la spécificité de pouvoir « améliorer la représentation des groupes et sujets sous-représentés et marginalisés dans les discours locaux, nationaux et régionaux », explique Henrik Ahrens, chef du projet chez CFI.
Soutenir la santé mentale des journalistes en zones de conflit
En raison de la guerre à Gaza, puis au Liban, le projet a intégré un soutien à la santé mentale, qui a bénéficié à 17 journalistes des quatre pays couverts par le projet : Liban, Palestine, Jordanie et Irak. Travaillant dans des conditions particulièrement difficiles, ils ont souvent été confrontés à la perte de collègues, voire à la mort de leurs proches, dans un contexte où environ 200 journalistes ont été tués depuis le début de la guerre à Gaza. Un défi cependant : assurer la participation des concernés. « Malgré le besoin accru du soutien psychologique, les journalistes hésitaient à prendre part à ce programme puisque la question est toujours entourée de tabous », constate Henrik Ahrens.
Ces sessions ont été menées par le Dr Khaled Nasser, spécialiste en communication familiale et en thérapie du traumatisme. Il a travaillé avec les journalistes en groupe. « Au total, j’ai assuré six sessions, à raison d’une par mois, note-t-il. L’objectif était de fournir aux journalistes des outils qui leur permettent de décrire ce qu’ils ressentent et des conseils pour gérer leur santé mentale. » Les thèmes abordés touchent à la gestion du stress et de l’anxiété, la gestion de l’identité, la prévention et le traitement du burn-out, les relations toxiques au travail, la gestion de la dépression et la manière d’aborder des personnes qui présentent des traumas. Neuf journalistes ont sollicité des sessions individuelles. Ce programme de soutien psychologique a été prolongé jusqu’en 2026 « parce que le besoin reste entier ».
Soutenir l’accès à des informations fiables et vitales pour les citoyens en temps de guerre
Toujours dans le contexte de la guerre, de forte polarisation et de désinformation, l’accès à des informations fiables devient soudainement vital : mon village est-il bombardé ? Où puis-je trouver de l’eau ? Quel hôpital est encore opérationnel ?
Dans un souci de soutenir la presse indépendante et responsable dans ces circonstances, un soutien d’urgence a été assuré à des médias et journalistes libanais qui se trouvaient dans les zones de conflits. Manateq, une plateforme en ligne, fait partie des bénéficiaires. Son rédacteur en chef, Zoheir Debs, note que grâce à cette aide, « il a été possible d’augmenter considérablement le nombre des reportages pour couvrir l’impact de cette guerre au Liban-Sud et dans la Bekaa sur les différents plans : économique, humanitaire, social, environnemental, agricole, etc. »
Dans ce cadre, le projet Qarib a également apporté un appui à la fondation Samir Kassir pour qu’elle puisse intervenir auprès des journalistes en situation de vulnérabilité. La fondation a ainsi fourni des hébergements pour les journalistes déplacés par la guerre, ainsi que des équipements de protection et du matériel nécessaire pour le travail sur le terrain à ceux ayant perdu leurs outils dans les zones ciblées. Ce soutien est d’autant plus crucial dans un environnement où de nombreux journalistes ont dû fuir leur domicile et où la sécurité constituait un enjeu majeur pour pouvoir continuer à travailler.
Informer sur les enjeux mondiaux de long terme
Si la guerre bouleverse le quotidien et les priorités, d’autres défis majeurs persistent. La crise climatique, en particulier, n’épargne pas la région. C’est à cet effet que Suzanne Baaklini, journaliste chevronnée spécialisée en environnement et en climat à L’Orient-Le Jour, a été sollicitée pour former 13 journalistes à la couverture de la COP29, à Bakou, en Azerbaïdjan, « un sommet complexe sur le plan scientifique et celui des négociations et politiques internationales ».
Le mentorat a été effectué sur trois niveaux. Avant la COP, cinq formations en ligne ont été administrées aux participants sur la manière optimale de la couvrir, ainsi que sur les sujets à traiter avant et pendant le sommet. Durant la COP29, l’accompagnement s’est fait de façon individuelle, Suzanne Baaklini s’entretenant avec chaque journaliste pour le cadrer, le mettre en contact avec des experts, choisir les sujets et éditer le contenu journalistique avant publication. « En tant que femme et étant sensible à la question de l’égalité femmes-hommes, j’ai insisté auprès des journalistes pour couvrir ce volet, confie-t-elle. Les femmes sont en première ligne dans le secteur de l’agriculture et font partie des personnes les plus vulnérables dans le monde. D’où la nécessité que les politiques en faveur du climat les prennent en considération. »
De retour du sommet, Suzanne Baaklini a également supervisé la production journalistique. Ce soutien a fait suite à deux ans d’accompagnement des journalistes lors des COP. Au total, 39 journalistes ont été formés pour mieux appréhender les enjeux climatiques. Plus de 180 articles, émissions de radio et podcasts, vidéos et émissions de télévision ont été élaborés et publiés.