
Contexte
Aujourd’hui, la perte de biodiversité est devenue un risque majeur pour les systèmes financiers. En septembre 2023, Ravi Menon, président du NGFS – le réseau des banques centrales, des régulateurs financiers et des institutions financières pour le verdissement du système financier –, alerte : « Avec la crise climatique, la dégradation de la nature constitue une menace existentielle pour notre planète. Prendre en compte les risques liés à la nature et leurs implications pour le secteur financier n'est plus simplement prudent, c’est impératif ».
Ce risque nécessitant une mesure rigoureuse, plusieurs cadres ont été proposés. Le NGFS a publié un cadre conceptuel pour la prise en compte des risques liés à la perte de biodiversité. Le cadre mondial de la biodiversité de Kunming Montréal, via sa cible 15, incite aussi les entreprises et les institutions financières à évaluer, rendre compte et réduire les risques liés à la perte de biodiversité et les impacts négatifs qu’elles exercent d’ici à 2030. Enfin, la Task Force on nature-related Financial Disclosure (TNFD) a proposé un cadre de rapportage pour aider les entreprises et les institutions financières à analyser ces risques et impacts et les divulguer, en recommandant d’utiliser des métriques de biodiversité diverses.
Toutefois, les missions et métiers des banques publiques de développement tournés vers l’atteinte des objectifs de développement durable (ODD) étant très particuliers au sein des institutions financières, il existe peu d’études pour aider ce type d’institutions à identifier les métriques de biodiversité les plus adaptées à leurs activités.
Objectif
L'objectif principal est de comparer six métriques de biodiversité pour déterminer lesquelles sont les plus adaptées aux besoins des banques publiques de développement. En identifiant les meilleures pratiques, ce projet vise à guider les BPD dans leurs décisions de financement, en intégrant mieux les considérations de biodiversité. Cette harmonisation des pratiques de mesure de la biodiversité permettra d'améliorer l'impact environnemental des projets financés.
Le projet de recherche cherche également à révéler les coûts d’accessibilité et la nécessité de formations pour les acteurs des BPD afin qu'ils puissent intégrer efficacement les considérations de biodiversité dans leurs évaluations de risque.
Ce projet fait partie du programme de recherche ECOPRONAT, qui soutient des recherches sur une meilleure prise en compte et une plus grande intégration (mainstreaming) de la biodiversité dans des secteurs économiques-clés.
Méthode
À la suite d'une étude exploratoire réalisée par The Biodiversity Consultancy, six métriques pour évaluer la biodiversité dans les projets des banques publiques de développement (BPD) ont été sélectionnées : ENCORE, ABC-map, STAR, CBF, BFFI et GBS. Ces métriques, pertinentes et scientifiques, couvrent les principaux facteurs de perte de biodiversité.
Un échantillon de six projets variés de l'AFD a été constitué pour tester ces métriques. Les projets incluent des initiatives en Afrique, au Pakistan, et au Mexique. La Banque européenne de reconstruction et de développement (BERD) a également testé les mêmes métriques sur trois de ses projets.
L’étude, menée par Biotope et Arcadis, se déroule en trois phases :
- Lancement et collecte de données : briefing, validation des projets et collecte des données avec recommandations ;
- Mise en œuvre : évaluation sommaire puis approfondie selon les données disponibles ;
- Consolidation et rapport : analyse des résultats, comparaison des métriques, et rédaction du rapport de synthèse.
Résultats
Une étude exploratoire a proposé plusieurs protocoles pour l'utilisation de plusieurs métriques afin de comparer leurs résultats. Elle contient également des informations qui peuvent être utiles à certaines banques de développement qui souhaitent simplement choisir une métrique et voir comment elles peuvent l'utiliser. Dans cette perspective, un arbre de décision pour le choix de l’une des métriques étudiées est proposé dans l'annexe 2 de ce premier rapport préliminaire.
Télécharger l’étude exploratoire
Ce projet de recherche vise à produire une analyse comparative détaillant les avantages et les limites des différentes métriques de biodiversité étudiées. Une publication dans la collection Dialogue de politique publique (en anglais) fournit des résultats préliminaires, un cas d’étude et des recommandations spécifiques pour l'intégration de ces métriques dans les processus de financement des BPD.
Télécharger le Dialogue de politique publique
Le rapport complet sera publié sur cette page après la COP16 biodiversité, vers la fin de l'année 2024. En outre, des webinaires et des publications permettront de partager les conclusions avec un public plus large, incluant des acteurs du développement et de la protection de la biodiversité.

Contexte
Créés en 2000, les marchés volontaires du carbone (MVC) sont des mécanismes d’échange de crédits carbone qui permettent, notamment à des entreprises, de compenser volontairement leur empreinte carbone. Leur naissance peut être rattachée au protocole de Kyoto qui, en 1997, a instauré le principe de l’échange des crédits de diminution d’émissions de gaz à effet de serre (ou « CO2 équivalent »). Ils se distinguent néanmoins des « quotas carbone », qui relèvent d’un dispositif de conformité et non volontaire.
Ces marchés volontaires ont connu un essor important ces dernières années. Cette dynamique est entre autres portée par la mise en œuvre d’initiatives d’atteinte d’objectifs « Net-Zero » – qui sont dans leur grande majorité volontaires, même si certains mécanismes de conformité autorisent le recours à des crédits carbone (par exemple, le mécanisme Corsia, dans le secteur de l’aviation). Tout cela doit contribuer à l’élaboration d’un écosystème d’échange du service environnemental de régulation qu’est la captation du carbone, au service de l’objectif de diminution de la consommation du « budget carbone global », lui-même fixé par le GIEC.
Toutefois, les marchés volontaires du carbone ont essuyé plusieurs critiques et controverses depuis leur création et des interrogations demeurent quant à leur participation effective à l’atteinte des objectifs des Accords de Paris.
Objectif
A partir de l’analyse de l’existant et du cadre conceptuel qui structure aujourd’hui les marchés volontaires de carbone et les crédits carbone, l’étude identifie les écueils non seulement de ces marchés et de leur organisation, mais aussi ceux des instruments échangés et des paradigmes sous-jacents qui valident la structuration actuelle de ces marchés.
Elle vise à formuler des propositions pour que les réalités climatiques et le budget carbone disponible soient mieux intégrés au fonctionnement des marchés volontaires du carbone, afin d’en faire de vrais outils au service de la transition climatique des entreprises. Elle répond par exemple aux questions fondamentales telles que : dois-je compenser, quelle partie et quel volume de mes émissions sont légitimes à la compensation, dois-je plutôt contribuer au maintien des services de régulation climatique sans y associer une compensation…
Méthode
A travers une approche comptable et gestionnaire, l’étude problématise les approches actuelles des marchés volontaires du carbone, centrées sur le paradigme économique néoclassique. Elle promeut une approche par la « dette climatique », ainsi que le pilotage de cette « dette climatique » à travers des budgets carbone à gérer par le recours à des activités de préservation dont la fonction première doit être de diminuer les émissions de gaz à effet de serre (GES).
L’étude décrit, à travers une méthode de comptabilité écologique, comment les entreprises doivent contribuer à un désendettement climatique global au-delà des marchés volontaires du carbone, et, à travers leurs processus organisationnels, aborde les niveaux de redevabilité sur les différents périmètres des sources d’émission (scopes 1, 2, 3).
Enseignements
L’étude montre que les crédits carbone et les marchés volontaires du carbone sont déconnectés des réalités climatiques et organisationnelles. L’ouverture de la « boîte noire » des MVC montre que derrière cette dénomination se cachent plusieurs conceptions de ces instruments, et donc plusieurs façons de les utiliser et de les comptabiliser au sein des entreprises. De plus, ces outils utilisés par les entreprises ne sont pas articulés aux objectifs des politiques climatiques nationales ou internationales : ils ne permettent donc pas de piloter la progression vers une trajectoire bas-carbone globale.
Pour reconnecter ces instruments aux politiques climatiques, ces marchés doivent être pensés en dehors du cadre conceptuel néoclassique qui a vu naître les autres outils de gestion du carbone. L’étude propose des principes pour réorganiser ces marchés autour d’une approche « gestionnaire » (en mobilisant notamment le cadre de comptabilité et de gestion écologique C.A.R.E.), qui permet de penser des MVC au service du respect des budgets carbone répartis entre entreprises, à partir du budget carbone global défini par le GIEC. Elle donne ainsi un sens théorique et opérationnel à la séquence « éviter/réduire/compenser » et à l’usage de la compensation sur les « émissions résiduelles ».
Autrement dit, pour rester collectivement sous les 1,5°C de réchauffement, les entreprises devraient chacune, et chaque année, respecter un budget carbone donné (le crédit carbone n’étant pas une licence à polluer ou un droit d’émission, mais bien un instrument à comprendre dans une stratégie de limitation des émissions de gaz à effet de serre). Cela permettrait d’accompagner les entreprises tout en reconnectant l’outil (les MVC), les entreprises et les politiques climatiques, dans une perspective de gouvernance globale du système climatique.
Pour en savoir plus :
- Télécharger la publication : Crédits carbone et marché carbone volontaire : analyse critique au regard des politiques climatiques et des sciences de gestion, et proposition d'un cadrage comptable écologique des crédits carbone
- Revoir le webinaire : Pertinence des marchés volontaires de carbone : aujourd'hui et dans un futur neutre en carbone
Contact :
- Djedjiga Kachenoura, chargée de recherche finance climat, AFD